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Le Gaz de Chypre Reste Enfermé : Les Obstacles Techniques et Politiques en Question

EXCELLIS International – Des obstacles techniques et surtout politiques empêchent Chypre de devenir un producteur et un exportateur de gaz naturel. Certains voisins méditerranéens, dont la Turquie, compliquent le problème.

Il y a déjà douze ans que le premier et plus grand champ gazier offshore de Chypre, Aphrodite, a été découvert. Entre 2018 et 2022, quatre autres découvertes majeures ont été faites par certaines des plus grandes compagnies énergétiques au monde. Pourtant, à ce jour, Chypre n’a ni produit ni consommé de gaz naturel.

Le pays a pour objectif de changer cette situation en intégrant le gaz naturel dans son bouquet énergétique, actuellement dominé par le pétrole, d’ici mi-2024. L’utilisation du gaz naturel permettra à Chypre de réduire considérablement sa facture énergétique, de diminuer son empreinte carbone et de mieux aligner sa stratégie énergétique sur les réglementations de l’Union européenne. Cependant, Chypre a dû se tourner vers les importations plutôt que de compter sur du gaz domestique.

L’UE Compte sur le Gaz Chypriote

En 2020, Chypre a annoncé la construction d’une installation d’importation de GNL au port de Vassiliko. Le gaz importé sera acheminé vers des infrastructures terrestres reliées au réseau énergétique du pays, principalement pour la production d’électricité. Le projet est en partie financé par l’UE et devrait être achevé en 2023.

Il est considéré comme une solution temporaire en attendant que la production des découvertes domestiques débute, ce qui permettra de répondre aux besoins nationaux et d’initier les exportations. Même si Chypre gazéifie toute son économie et qu’aucun autre gisement de gaz n’est découvert, il restera suffisamment de ressources pour les exportations, compte tenu de la petite taille du marché intérieur. (L’Égypte voisine, le plus grand marché du gaz en Afrique et en Méditerranée orientale, a déjà suspendu occasionnellement ses exportations de gaz en raison d’une forte consommation intérieure.)

L’UE place de grands espoirs dans les exportations de gaz de Chypre, qui, conjointement avec le gaz d’Israël et d’Égypte, font de la région de la Méditerranée orientale un partenaire stratégique pour l’UE dans sa volonté de diversifier ses voies d’approvisionnement en gaz, comme l’a déclaré la Commission européenne en septembre 2021, même avant sa confrontation avec la Russie en 2022.

Cependant, Chypre a examiné plusieurs options de monétisation, y compris de nombreuses routes d’exportation, avec des progrès limités. Une combinaison de défis techniques, commerciaux et surtout politiques caractéristiques de la région de la Méditerranée orientale continuera d’entraver les projets gaziers de l’île. Le soutien de l’UE et l’intérêt continu des compagnies énergétiques internationales poussent Chypre plus près de la réalisation de ses ambitions gazières, mais la route à parcourir reste enchevêtrée dans des complexités et des intérêts contradictoires.

La Découverte Prometteuse de 2011

En 2007, avant que des découvertes significatives d’hydrocarbures ne soient réalisées dans le bassin du Levant, le gouvernement chypriote a lancé sa première série de licences, offrant 11 de ses 13 blocs offshore à des investisseurs internationaux. Cependant, l’intérêt était limité. Seulement trois offres ont été soumises, en partie en raison des protestations de la Turquie voisine sur la légitimité de la série de licences, et en partie en raison du risque géologique élevé à l’époque, puisque aucune découverte préalable n’avait été réalisée dans le bassin.

Une licence d’exploration (bloc 12) a été attribuée en 2008 à Noble Energy, une petite entreprise basée à Houston (rachetée par Chevron en 2020), active en Israël et soupçonnant que d’éventuelles accumulations d’hydrocarbures au large d’Israël pourraient s’étendre vers le nord de Chypre. La société avait raison : en 2011, Aphrodite, premier gisement gazier de Chypre, a été découvert. De son volume estimé, près de 90 % se trouve dans les eaux chypriotes, le reste dans les eaux israéliennes, où il est connu sous le nom de champ Yishai.

Désireux de capitaliser sur la découverte d’Aphrodite, le gouvernement chypriote a lancé quatre autres séries de licences (en 2012, 2016, 2018 et 2021), qui ont abouti à l’attribution de blocs à certaines des plus grandes compagnies énergétiques mondiales, dont le géant français TotalEnergies, l’italien Eni, le coréen KOGAS, l’américain ExxonMobil et le qatari Qatar Energy.

Cependant, ce n’est qu’en 2018 qu’une autre découverte, Calypso, a été réalisée par Eni dans le bloc 6, suivie de trois autres découvertes : Glaucus en 2019, puis en 2022, Cronos et Zeus. Cependant, la taille estimée de ces découvertes indique des champs bien plus petits qu’Aphrodite.

Les Limites Géographiques de Chypre

La géographie de Chypre limite les options pour le transport du gaz à travers la mer Méditerranée, que ce soit par navire (GNL) ou par un pipeline sous-marin – les deux solutions nécessitent d’importants investissements en capital. De plus, la plupart des découvertes de l’île se trouvent à de très grandes profondeurs sous l’eau, sont géographiquement largement dispersées et présentent une géologie complexe ; ces facteurs augmentent le coût de leur développement. Cependant, l’aspect politique est resté l’obstacle majeur.

Pourquoi le Développement d’Aphrodite est Enlisé

Jusqu’à présent, les raisons des retards dans le développement du champ d’Aphrodite sont d’ordre commercial et politique.

Dès le début, l’exportation de gaz du champ était l’option de monétisation la plus viable, surtout compte tenu de l’absence d’un marché domestique du gaz à Chypre. Initialement, le consortium d’Aphrodite envisageait une installation d’exportation de GNL à Vassiliko. Cependant, en 2013, de nouvelles évaluations des réservoirs ont révélé que le volume extrayable de gaz naturel était d’un tiers des estimations préliminaires, et qu’il ne serait pas suffisant pour investir dans une usine de GNL sans un apport supplémentaire en provenance d’autres champs à Chypre ou de ses voisins. Un terminal de GNL nécessite un volume minimum d’approvisionnement en gaz chaque année à long terme pour justifier les dépenses en capital initiales.

Conclusion

En conclusion, les réserves de gaz naturel de Chypre sont une ressource précieuse qui, si bien exploitée, pourrait non seulement répondre à la demande nationale mais également être exportée vers d’autres marchés en quête de sources d’énergie durables. Cependant, malgré ces opportunités, Chypre doit surmonter d’importants obstacles techniques et politiques.

L’UE a misé sur le gaz chypriote pour diversifier ses approvisionnements en gaz, mais les défis techniques liés à l’exploitation des gisements offshore, la complexité géologique, la répartition géographique des découvertes et les tensions politiques avec la Turquie compliquent la réalisation de cette ambition gazière. Néanmoins, avec le soutien de l’UE et l’intérêt continu des grandes compagnies énergétiques internationales, Chypre est sur la voie de la réalisation de ses ambitions gazières, même si le chemin reste semé d’embûches.

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