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Le secret de la résilience du Liban face aux crises

EXCELLIS International – Le peuple libanais – déchiré par le communautarisme et épuisé par la crise économique – a peu d’espoir de voir la résolution de la crise institutionnelle qui paralyse son système politique depuis 1975. Et maintenant, le Liban est de nouveau en première ligne d’un conflit au Moyen-Orient dans lequel il n’est pas directement impliqué : la guerre à Gaza.

La menace du chaos est toujours présente au Liban, tout comme la crainte d’une escalade militaire dans les régions sous contrôle du Hezbollah. Depuis six mois, la milice pro-iranienne combat Israël en solidarité avec les factions palestiniennes à Gaza. Bien qu’aucun des deux, ni le Hezbollah ni Israël, ne semble chercher une guerre totale, la situation pourrait dégénérer. Sur le terrain, le commandant de la mission de paix des Nations Unies au Liban (FINUL), Aroldo Lazaro, affirme que le risque d’escalade est très réel. Washington et Paris ont décidé de “se coordonner étroitement” sur le Liban pour éviter un tel dénouement.

Les affrontements dans le sud du Liban ont coûté au pays plus d’un milliard de dollars. Huit cents hectares ont été complètement détruits, 34 000 têtes de bétail ont été perdues et environ 75 % des agriculteurs ont perdu leur dernière source de revenu, selon un bilan du bureau du Premier ministre intérimaire Najib Mikati.

Malgré la dévastation, le Hezbollah continue d’étendre son influence. En plus du soutien financier qu’il reçoit de l’Iran (plusieurs centaines de millions de dollars par an selon les États-Unis), la milice reçoit des dons de la diaspora chiite libanaise et profite de ses entreprises légales et illégales (trafic de drogue). Depuis les années 2000, le Hezbollah a développé une économie intégrée organisée autour d’une banque (al-Qard al-Hassan), de puissantes œuvres caritatives et du réseau de supermarchés locaux al-Sajjad offrant des réductions sur les produits de base. Ces structures économiques isolent la région sud du reste du Liban et la protègent désormais des effets de la crise nationale.

Dans d’autres régions libanaises, l’impact de la guerre de Gaza n’a pas encore été précisément quantifié. On observe une baisse de la fréquentation des lieux publics, une diminution des activités liées au tourisme et une réduction du trafic aérien. La principale préoccupation dans d’autres régions est l’afflux de réfugiés.

Selon l’ONU, plus de 90 000 personnes dans le sud du Liban ont déjà fui les bombardements israéliens. Elles se dirigent vers le nord pour trouver refuge, rejoignant 1,5 million de réfugiés syriens et environ 200 000 Palestiniens. La capacité d’absorption est limitée. Il existe des communautés chiites à Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa, mais elles ne peuvent pas faire face à un si grand nombre.

La sécurité est également un problème. Avec l’armée libanaise sous contrainte budgétaire, des militants armés s’infiltrent dans les flux de réfugiés. Le ministre libanais des Déplacés, Issam Sharaf El-Din, estime qu’il y a 20 000 hommes armés dans les camps de réfugiés.

Faire face à une instabilité persistante

Le Liban a connu de nombreuses périodes d’instabilité. Une culture de résilience persiste parmi son mosaïque diversifiée de communautés religieuses et ethniques. Ces groupes s’adaptent constamment socialement et s’organisent lorsque le gouvernement central faillit. Les divisions culturelles et l’interaction changeante de la formation et de la dissolution des alliances font partie intégrante de la politique libanaise.

Depuis que le Hezbollah est entré en guerre contre Israël seul, la classe politique libanaise s’est naturellement réalignée – de manière informelle, comme elle le fait le plus souvent. L’ancien président libanais Michel Aoun, ancien allié du Hezbollah, prend ses distances avec le groupe, qu’il accuse de traîner le pays dans un conflit extérieur, déclarant : “Nous ne sommes pas liés à Gaza par un traité de défense.” Il en va de même pour Youmna Gemayel – fille de Bashir Gemayel, l’ancien chef de la branche milice des Forces libanaises (un parti politique chrétien) – qui s’oppose à l’implication du Liban dans le conflit de Gaza. Samir Geagea, le leader des Forces libanaises, accuse le Hezbollah de transformer le Liban en un “champ de bataille.”

La scène politique libanaise est en effervescence avec des rumeurs de contacts informels entre les dirigeants iraniens et les dignitaires chrétiens. Beaucoup soupçonnent Téhéran de chercher à maintenir des relations avec la communauté maronite chrétienne, qui détient actuellement la présidence du Liban en vertu de l’accord de partage du pouvoir.

Bien que ni le Hezbollah ni Israël ne veuillent une guerre totale, le niveau de tension est tel qu’un incident inattendu pourrait déclencher une escalade.

PIERRE BOUSSEL

Les membres de la communauté chrétienne se souviennent vivement des jours sombres de la guerre civile de 1975-1990, lorsqu’il était communément admis que la clé de la résolution de la crise se trouvait à Damas, soulignant l’influence significative de la Syrie. Aujourd’hui, la peur prédominante est l’hégémonie iranienne et ses nombreux mandataires non étatiques qui s’opposent à Israël, y compris le Hezbollah, le Hamas, le Jihad islamique, les Houthis au Yémen et les milices pro-iraniennes en Irak.

Parmi tous ces groupes, le Hezbollah se distingue. Il occupe une position géographique privilégiée à la frontière entre les hauteurs du Golan et Israël. Avec 45 000 combattants et 150 000 missiles, c’est l’un des groupes de milice les mieux équipés de la région. Il a également l’expérience des combats contre Israël depuis le conflit de 2006. Sa position vis-à-vis de l’Iran est délibérément ambiguë, ce qui lui permet d’alterner entre ses rôles de force libanaise représentant la communauté chiite d’une part, et d’acteur dans l’axe de résistance de Téhéran d’autre part.

Le Liban n’a plus de contrôle total sur son agenda diplomatique. À plusieurs reprises par le passé, il a été la chambre d’écho des tensions régionales. Alors que l’entrelacement des communautés religieuses n’a pas empêché les guerres, sa capacité à se configurer et à se reconfigurer pour s’adapter aux développements géopolitiques empêche les liens fragiles de la cohésion nationale de se rompre complètement. Cela explique pourquoi le Liban, un pays au bord de l’effondrement, avance néanmoins avec les élections locales prévues pour mai. Les élections sont poursuivies avec une ferme détermination à maintenir les principes fondamentaux de l’État libanais.

Impact militaire du conflit à Gaza

Depuis le début de la guerre de Gaza, il est devenu évident que le Hezbollah opère largement sous l’influence de Téhéran, un sentiment largement reconnu à travers le Liban. Gebran Bassil, leader du Mouvement patriotique libre, a commenté que le Hezbollah “a perdu le pouvoir de décider d’arrêter la guerre.” Bien que cela reflète la situation actuelle, le Hezbollah reste prudent, veillant à ce que ses actions ne déstabilisent pas l’État libanais déjà fragile.

Le Hezbollah a fixé certaines limites concernant ses opérations pour éviter d’aggraver les tensions. Sa stratégie militaire comprend des engagements limités destinés à défier l’armée israélienne et à fortifier ses positions dans le sud du Liban, étendant son influence jusqu’aux banlieues de Beyrouth et à la vallée de la Bekaa. Mais il évite toute offensive majeure qui pourrait potentiellement raviver la guerre civile libanaise.

De plus, le Hezbollah veille à maintenir l’équilibre délicat entre les musulmans chiites et les chrétiens au Liban. L’organisation évite les actions qui pourraient provoquer des violences entre ces communautés, consciente qu’elle serait prise entre deux feux si une nouvelle guerre civile éclatait.

Scénarios

Le plus probable : le Hezbollah profite du conflit à Gaza

Le Hezbollah est satisfait de la situation actuelle, qui lui permet de jouer la carte libanaise et la carte révolutionnaire islamique. La guerre de Gaza sert à promouvoir son modèle économique et social, le présentant comme un contrepoint aux désastres survenant dans les régions où il n’exerce pas son autorité. Plus le Liban s’effondre, plus son économie parallèle devient attrayante. Le Hezbollah adopte une attitude attentiste. Il attend son heure, comptant sur la désintégration lente d’un pays affaibli par une inflation à deux chiffres, une monnaie en chute libre et des élites enracinées prospérant grâce au népotisme.

Moins probable : les tensions augmentent au Liban

La mosaïque libanaise se fracture et le pays est au bord de la guerre civile. Le Hezbollah réalise qu’il a commis une grave erreur dans son analyse. Il pensait pouvoir s’en sortir avec le soutien financier de son mentor iranien et le dense réseau de ses institutions prosélytes (cliniques, écoles, banques, stations-service). Mais au lieu de cela, le Liban retourne aux démons du passé : assassinats, enlèvements et militarisation des relations de pouvoir.

À mesure que la situation économique et sécuritaire dans le sud du Liban devient insupportable, les populations chiites les plus défavorisées continuent de fuir, cherchant refuge dans le nord du pays, dans les villes côtières sur l’axe Shttps://excellis.org/wp-content/uploads/2022/03/115-business-consulting-agency_blog_8-1.jpg/Tripoli. Les services de l’État ne parviennent pas à faire face à l’afflux de réfugiés, qui créent des tensions économiques et sociales avec les communautés libanaises déjà épuisées par la crise.

Le moins probable : conflit direct entre le Hezbollah et Israël

Bien que ni le Hezbollah ni les Israéliens ne veuillent une guerre totale, le niveau de tension est tel qu’un incident inattendu pourrait déclencher une escalade. Par exemple, un drone du Hezbollah pourrait abattre un avion israélien. Ou des missiles israéliens pourraient détruire le barrage de Qaraoun, inondant la campagne sud-libanaise et noyant des villages.

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