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L'UE adopte une approche risquée pour renforcer les sanctions contre la Russie

L’approche risquée de l’UE pour renforcer les sanctions contre la Russie

EXCELLIS International – Bruxelles cherche à lutter contre l’évitement des sanctions en les appliquant aux entreprises non européennes établies dans des pays ne relevant pas de la juridiction de l’Union Européenne (UE).

L’Union européenne renforce ses sanctions contre la Russie dans le but de rendre plus difficile leur contournement. Le 14e paquet de sanctions, en vigueur depuis le 25 juin 2024, vise à accroître les risques juridiques pour les entreprises qui ont évité les précédentes sanctions. Ces nouvelles mesures, qui seront applicables d’ici la fin de l’année, concerneront les entreprises, les banques et les investisseurs établis dans l’UE, possédant des participations directes ou indirectes dans des filiales, des coentreprises ou des portefeuilles situés dans des pays non membres de l’UE et qui maintiennent des relations commerciales avec la Russie, sapant ainsi le régime des sanctions.

Une rupture avec la tradition : l’adoption de l’extraterritorialité par l’UE

Historiquement, l’UE a évité d’introduire des mesures extraterritoriales dans ses régimes de sanctions internationales, y compris dans ses précédentes séries de sanctions contre la Russie, moins rigoureuses. En effet, Bruxelles s’est opposée à l’implémentation de sanctions extraterritoriales, affirmant que ses restrictions ne seraient applicables que lorsque qu’un lien direct avec l’UE existait.

Cependant, depuis 2023, l’UE cible de plus en plus les pays tiers pour lutter contre les schémas émergents de contournement des sanctions russes. Cette approche suit de près celle des États-Unis, qui ont longtemps utilisé des sanctions extraterritoriales. Le Bureau du contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain impose des « sanctions secondaires », ciblant des pays sans aucun lien avec les États-Unis.

Suivre l’exemple américain : l’application croissante des sanctions extraterritoriales par l’UE

Depuis 2023, l’UE a progressivement adopté les méthodes des États-Unis en matière de sanctions extraterritoriales. Par exemple, dans son huitième paquet de sanctions, Bruxelles a introduit une disposition pour inscrire sur la liste noire les individus de toute nationalité ayant facilité l’évasion des sanctions. Le 11ème paquet est allé encore plus loin, instituant une série de nouveaux pouvoirs permettant d’ajouter des entités de pays tiers aux listes de sanctions.

Ces mesures sont désormais perçues par l’UE comme cruciales dans ses efforts de lutte contre le contournement des sanctions. Cependant, elles ont également conduit à sanctionner des personnes pour des opérations considérées comme légales dans leurs juridictions nationales, sans aucun lien avec l’UE.

Une adhésion complète à une mesure controversée

Le dernier paquet de sanctions de l’UE se concentre sur la lutte contre l’évasion des sanctions dans les pays tiers et le renforcement de leur application. Les maisons-mères de l’UE sont désormais légalement tenues de faire leur « maximum » pour s’assurer que leurs filiales non-UE, qu’elles possèdent ou contrôlent, s’abstiennent de s’engager dans des transactions qui contrecarrent les sanctions.

Ainsi, les opérateurs de l’UE transférant des savoir-faire industriels pour produire des biens militaires à des partenaires commerciaux de pays tiers devront inclure des dispositions contractuelles garantissant que ces savoir-faire ne seront pas utilisés pour des biens détournés vers la Russie.

Interdiction d’accès au système financier russe

Les nouvelles sanctions de l’UE interdisent l’utilisation du Système de transfert de messages financiers (SPFS), une plateforme électronique développée par la Banque centrale de Russie, qui sert d’analogue russe à SWIFT. À compter du 25 juin 2024, les entités de l’UE opérant en dehors de la Russie ne pourront plus se connecter à ce système ni à aucun équivalent.

En outre, ces entités ne pourront pas effectuer de transactions avec des entités répertoriées utilisant le SPFS en dehors de la Russie, renforçant ainsi l’isolement économique de Moscou.

Sanctions énergétiques et commerciales : l’UE intensifie la pression

Le 14e paquet de sanctions de l’UE interdit la réexportation de gaz naturel liquéfié (GNL) russe sur le territoire de l’UE. Cette interdiction s’étend aux services techniques et financiers facilitant les transbordements de GNL vers des pays tiers, avec pour objectif de réduire les revenus de la Russie provenant des ventes de gaz.

L’UE a également élargi sa liste d’utilisateurs finaux militaires pour inclure 61 nouvelles entités (33 dans des pays tiers et 28 en Russie) impliquées dans le contournement des restrictions commerciales ou l’acquisition d’articles sensibles, tels que des drones, soutenant les opérations militaires russes.

Réactions du Sud global à l’extraterritorialité de l’UE

Face à l’échec des premières vagues de sanctions à affaiblir suffisamment l’économie russe, les États-Unis, l’UE et certains autres pays occidentaux ont réagi en se tournant vers des mesures extraterritoriales, interdisant souvent l’utilisation de leurs monnaies respectives par des pays tiers dans des transactions transfrontalières.

Cette stratégie a affaibli la crédibilité de l’euro et du dollar en tant que valeurs refuges, soulevant des questions pour les gouvernements non occidentaux quant à la gestion de leurs réserves financières.

Cette situation a émergé alors que des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et d’autres pays du Sud global ont continué à commercer avec la Russie, augmentant même leurs échanges bilatéraux avec Moscou et multipliant les manœuvres pour échapper aux sanctions dans divers secteurs économiques, notamment la finance, l’énergie et le commerce de biens manufacturés stratégiques et de haute technologie.

Scénarios futurs : quel avenir pour l’extraterritorialité de l’UE ?

Scénario le plus probable : l’UE renforce ses sanctions extraterritoriales

Les développements actuels à Bruxelles indiquent que l’UE est sur le point de mettre en œuvre des sanctions secondaires contre des pays tiers accusés de saper son régime de sanctions en pleine expansion.

Bien que ces mesures aillent à l’encontre de l’approche traditionnelle de la jurisprudence de l’UE visant à éviter les abus extraterritoriaux, le contournement des sanctions par un nombre croissant d’États non occidentaux semble avoir convaincu Bruxelles que l’application efficace ne peut être atteinte qu’en ciblant des entités légales du monde entier, y compris potentiellement des gouvernements.

Scénario moins probable : l’UE abandonne les sanctions extraterritoriales

L’UE pourrait, à l’avenir, revenir à sa position juridique antérieure, ce qui pourrait même inclure l’utilisation d’un instrument similaire à la loi de 1996, connue sous le nom de Statut de blocage, appliquée pour protéger les ressortissants et entités juridiques de l’UE contre les effets extraterritoriaux des sanctions américaines contre Cuba, la Libye et l’Iran.

Cependant, la raison principale pour laquelle l’UE pourrait abandonner les sanctions extraterritoriales réside dans la perspective de représailles de la part des pays concernés. Bien que l’UE puisse réussir à appliquer des mesures extraterritoriales contre des économies de moindre importance, comme l’Arménie ou peut-être même le Kazakhstan, il serait pratiquement impossible d’en faire de même avec des acteurs de poids comme la Chine, l’Inde ou la Turquie, membre de l’OTAN.

En conclusion : L’UE face à des défis majeurs dans l’application de ses sanctions extraterritoriales

La politique de sanctions extraterritoriales de l’UE est à la fois controversée et complexe. Si elle cherche à suivre l’exemple des États-Unis, elle se heurte à des réalités économiques et géopolitiques qui pourraient limiter son efficacité. Les prochaines années seront cruciales pour déterminer si l’UE parvient à imposer ses sanctions extraterritoriales ou si elle sera contrainte de revenir à une approche plus traditionnelle.

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